ghost from the past (aaroppy)

aaron & poppy

Elle avait envie de se cogner la tête contre le mur, ce fut d'ailleurs le cas, mais c'était des grands coups de pieds qu'elle tambourinait depuis cinq bonnes minutes maintenant. Elle avait un nouveau voisin dans sa résidence universitaire. Le genre de voisin dont elle se serait bien passée. Un type riche comme crésus, qui avait eu sa place à Harvard, grâce à un généreux don de papa et maman, qui ne travaillait jamais, invitait à longueur de temps des gens dans sa chambre et mettait la musique à fond, comme s'il était tout seul dans l'immeuble. Elle soufflait, elle s'énervait toute seule, elle toqua à sa porte trois fois, avec toujours ce sourire qui la caractérisait, mais elle perdait patience. C'est pas possible d'être égoïste à ce point. Elle travaillait sur un devoir depuis trois bonnes heures. Lola et les autres n'étaient pas avec elle pour une fois. Ils étaient tous en concurrence pour être sélectionné à une audience. Il fallait qu'elle décroche le poste d'avocat ou au moins son second. Poppy, c'est une bonne élève, mais elle travaille énormément, pas comme Tobias, qui est brillant sans lever le petit doigt. Elle est en tête de sa promo, parce qu'elle ne peut pas se louper, elle a une bourse, mais elle a toujours peur de la perdre. Alors elle travaille deux fois plus que les autres. Mais aujourd'hui, c'était compromis. Parce que son imbécile de voisin, avait encore décidé de faire des siennes, qu'il n'avait toujours pas décuvé de la veille et qu'il se fichait éperdument des études de Poppy, il préférait la mater en douce, espérant sans doute qu'elle termine un jour dans son lit. Elle attrapa ses écouteurs et enfila ces derniers, un rapide coup d'œil à sa playlist spotify, elle lança la bande originale du film Lalaland, cliché à souhait quand on sait que l'ex amour de sa vie était un passionné de jazz, mais il fallait l'avouer, il l'avait éduqué sur ce point, il lui avait fait connaître la vraie musique, celle qu'on ne fait plus, qui vous transporte sans même bouger de sa chaise, qui vous fiche des frissons aussi. Elle ne pu s'empêcher de faire bouger son corps au rythme de la musique, tandis qu'elle se dirigeait vers sa fidèle cafetière, versant le liquide devenu une drogue dans une tasse Minnie que son frère Milo lui avait offert quand elle avait quatorze ans et qu'ils s'étaient rendus tous ensemble à Disneyland en Floride. Revenant vers son lit, où son ordinateur trônait toujours, elle se sentait envahir par la musique, s'autorisant pour la première fois depuis des lustres à repenser à cette époque, à lui. Lui, qui avait promis de ne jamais lui briser le coeur, mais qui l'avait tout de même déchiré. Elle secoua la tête, ce n'était jamais une bonne idée de penser à lui. Elle avait toujours le palpitant qui s'énervait, des remises en question qui lui coupaient le souffle et puis des larmes qui lui piquaient les yeux. Il fallait qu'elle se concentre. Mais c'était déjà trop tard, son esprit était ailleurs, elle revoyait ces images de lui, au bras de celle qui était tout le contraire de Poppy. Une fille bien mieux qu'elle. Elle attrapa à nouveau son téléphone. Un sms de Tobias lui arracha un semblant de sourire. Au diable les révisions, il fallait qu'elle se change les idées et Tobias avait toujours été la solution à ses problèmes. Elle enfila sa paire de Stan Smith, une veste en jean qu'elle avait chiné à la friperie et sorti de son minuscule appartement, sans même prendre la peine de se maquiller, ni de se coiffer, un chignon trônait au milieu de sa tête. Belle au naturel. Elle ferma la porte et se retourna pour partir, relevant la tête un petit sourire en coin en pensant à ce qu'elle s'apprêtait à faire, elle dévalait les escaliers deux par deux quand son regard se porta sur… Non c'est pas possible.

Chère Poppy,

Les papiers volent à la poubelle depuis une bonne heure, éternel insatisfait de ce début de lettre. Trouver les mots sans l’avoir fait depuis trois ans n’est décidément pas chose aisée et je pense bien que c’est le moins que je mérite.

Tu as été une personne d’une extrême importance pour moi.
Porte-toi bien.

Sincèrement,
Aaron

aaron & poppy

Elle qui pensait avoir survécue. Elle, qui s'était félicitée d'avoir pu sortir la tête de l'eau. Elle, qui avait repris le cours de sa vie. Elle, qui avait remonté ses notes après avoir baissé les bras une année durant. Elle, qui avait réussi à sourire de nouveau sincèrement. Elle qui avait eu envie d'aimer quelqu'un. De donner sa confiance, d'embrasser les lèvres d'un autre, d'avoir fait l'amour et s'être abandonné à l'autre, elle qui pensait avoir tourné la page. Elle sentait maintenant que le monde, son monde s'abattait sur elle lorsque son regard croisa le sien. Pour la première fois de sa vie, Poppy restait muette, immobile, sans expression. Son célèbre sourire, n'était plus. Elle restait immobile, comme suspendu par un fil invisible, comme-ci elle était une marionnette et si elle était Pinocchio, Aaron était son Gepetto, celui qui articulait les mouvements, les émotions, la vie, de la jeune femme. Cette rencontre, était d'une violence extrême pour la jeune femme. L'absence s'était faite si intense, si insupportable, elle lui en avait tant voulu, elle avait attendu ce moment pendant des mois, des années. Mais maintenant qu'il se tenait devant elle, elle ne savait plus quoi dire, elle ne savait pas comment réagir. D'ailleurs, elle ne réagissait même pas aux gens qui cherchaient à descendre les escaliers alors qu'elle était toujours dans le passage. Ceux qui l'a bousculaient pour lui faire comprendre qu'elle gênait. Mais tout cela était des plus logique finalement. Poppy, avait toujours été celle qui gênait. Elle avait gêné les plans d'Aaron dans sa conquête de gloire et d'argent. Elle devait encore une fois être une gêne pour lui dans ses fiançailles avec la jeune Fitzgerald, celle qu'il exhibait à son bras, fier comme un pape. Il n'y avait pas d'autres solutions, d'autres possibilités à sa présence ici-même. Il avait du venir, pour lui demander de ne pas faire de scandale. Lui, qui n'avait même pas eu le courage de lui offrir une rupture digne de ce nom, voulait sans doute lui mettre la pression pour la bâillonner. L'empêcher de nuire à cette si belle union entre le fils du voiturier et la riche héritière Fitzgerald. Mais Poppy refusait de se faire dicter ce qu'elle devait ou ne pas faire, encore moins par un Fitzgerald et certainement pas non plus par Aaron. Il avait perdu tout ses droits, le jour où il a simplement arrêté de lui écrire, de répondre à ses appels. Le jour où il avait coupé les ponts. Elle avait eu du mal à faire son deuil, mais aujourd'hui, il était mort à ses yeux. Elle s'autorisa finalement à soutenir son regard. A plonger les yeux dans ceux de son ex. Elle se perdit un court instant dans son regard. Elle avait l'impression d'y déceler, ce qu'elle avait toujours vu, la personne qu'elle avait toujours aimé. Ses cheveux étaient plus court que quand ils étaient ensemble. Elle passait des heures à toucher ces derniers, devant un bon film sous la couette. Il avait toujours cette fossette qui se dessinait lorsqu'il souriait ou qu'il serrait les dents, comme c'était le cas à l'instant présent. Il avait toujours cette petite étincelle dans le regard. La mâchoire carré qui l'a faisait chavirer à tout moment de la journée. Des épaules carrées et des bras musclés. Son regard s'attarda finalement sur le poignet du jeune homme, où se trouvait une montre hors de prix. Et tout s'écroula comme un château de cartes. Ce n'était plus Aaron Jones. Ce n'était plus son Aaron Jones. C'était un PDG, un riche type de New-York, le genre de personne qui lui fait hérisser le poil. Le genre de type qu'elle déteste. Bonjour Lâcha-t-elle finalement. N'ayant rien de plus à dire.